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récit Alain Guillard

<<< volume 1

Tunisie...volume 2

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de Bulla en Dougga...
Bulla Régia est une surprise, un peu comme le fût l'an dernier Priène en Turquie . Une approche mine de rien, des ruines classiques dans l'état de beaucoup d'autres après les tremblements
de la terre qui ont rayé tant de villes de la carte. Thermes, théâtre…et puis tout un monde en sous-sol…un monde inattendu. La chaleur torride des étés de la région ont incité les patriciens romains à construire leurs villas en souterrain. Même dans la fraîcheur printanière on en comprend le pari. Les escaliers monumentaux s'enfoncent dans les roches et créent déjà en eux-mêmes une atmosphère impressionnante. Comme si les habitants étaient partis hier ,
le luxe des demeures est omniprésent. Maison du Trésor, Maison de la Chasse, d'Amphitrite… les pièces voûtées se répartissent autour de péristyles à colonnes corinthiennes.

Les mosaïques non encore arrachées pour un bardo quelconque nous racontent la vie souterraine. La lumière du jour éclabousse à partir du patio central et illumine les pièces alentour. Le ciel est par dessus le sol !
Remontés de cet étrange lieu de vie, l'imagination galope, ce que l'on voit est une infime surface du champ de ruines qui nous entoure. Que sera Bulla Régia lorsque quelques plans-budgets reconnaissants permettront de gratter ce sol austère pour en exhumer ces chefs -d'œuvres encore enfouis ?
La route vers Le Kef en devient banale…La ville accrochée au rocher en est presque insipide. Immeubles décrépis, encore, jardins délités, encore,mais pourquoi donc tant de laisser - aller ? A un détour de ruelle nous découvrons les thermes romains. Tiens aucun guide ne les signalent, et pourtant…les stèles élevées sont pleines de vie. Sur une colonne à terre un vieux couple discute avec force gestes…comme il y a 20 siècles.
Entre les colonnes romaines ébranlées et la kasbah ottomane qui domine la ville les générations s'étagent, se superposent, se mêlent…la ville assoupie, paisible, n'est pas encore perturbée par les intrusions touristiques.
On n'en finit pas de rencontrer Rome aux creux des vallées. A quelques lieux de l'imposante Dougga, El Krib nous livre dans le soleil couchant un arc de triomphe restauré ,
majestueux gardien de la voie vers Tunis.
Le soleil se cache derrière la colline lorsque nous arrivons à Dougga.
Le petit parking à l'entrée du site est désert.
En quelques instants le salon du Fleurette est en position, cadrage idéal sur le panorama
des monuments. Vite une photo avant la pénombre. BTS magique ! Suzy a repéré le resto,
à quelques cent mètres en contrebas…opération resto'à bord garantie ! Pendant qu'elle va faire son scénario habituel, je subit l'assaut d'un soit - disant gardien sorti de je ne sais où et qui me recommande avec force gestes d'aller à un autre parking, de l'autre côté de la colline.
Non mais ! et mon B de BTS, il ne se doute de rien ! Je vais en appeler aux explications du resto qui envoie un médiateur parlant arabe.. En quelques minutes , le problème international
est réglé : nous pouvons occuper le territoire pour une durée indéterminée.
Et en prime notre médiateur appelle la garde nationale pour signaler notre présence.
Nous serons sous surveillance !
Repas sous la silhouette imposante du capitole. Il y a des moments uniques dans la vie…
d'un campingcariste !
Petite habitude de la méthode resto' à bord ; on va rendre les assiettes, occasion d'un surplus thé à la menthe et surtout d'échanges. Tout neuf, tout beau le restaurant, la terrasse face aux ruines. La salle est magnifiquement décorée. Nous sommes seuls, les derniers touristes sont déjà bien loin. Il y a un " K " sur le fronton et " c " sur la carte de " Restaurant Mercure "…
" C'est volontaire ! " nous explique Araar le patron…sans nous donner l'explication. D'ailleurs il est le seul estampillé dans le routard…estampillé, dans la première partie de l'article, et épinglé dans la deuxième ! " Ti lis pas, c'est tout ! " Ca fait 2 ans qu'Araar a ouvert le restaurant, il a aussi une autre activité à Antibes d'où il est originaire…Laquelle ? va savoir !
Un magnifique ordinateur trône sur le bureau caisse, tiens un Dreammachine de PB…
le même que le mien…Tahar aussi avait le même, ils font un malheur ici les PB !
S'il savait les problèmes que j'ai avec ma dreammachine !!!
" Les touristes ils viennent surtout le matin, avec les bus… " c'est Hichem qui nous donne les recettes. Lui il vient de Marseille, sa mère y vit encore, il est revenu en Tunisie il y a 6 ans…
et comme il faut bien survivre dans ce pays où le travail est rare il vient aider son copain Araar pour tenir les comptes du resto.
Or donc les touristes ils viennent surtout en bus, en milieu de matinée,
il faut largement la matinée pour visiter le site, alors à midi le restaurant est sur la trajectoire.
Alors c'est vrai qu'à ce moment là , le service il est un peu " à la chaîne " comme dit le routard.
Et puis le gars du routard il est venu avec un groupe, alors il n'a rien vu !
Allez bonne nuit Hichem, à demain Araar ! Un dodo de romain ça ne s'improvise pas !

Mardi 16.
Dougga la splendeur !
Quelques gouttes dans la nuit étaient un mauvais présage. Le ciel est gris au - dessus
du Capitole qui domine la colline. Des paysans passent sur leurs ânes dodelinants.
Le guichet à tickets n'est pas encore ouvert lorsque nous partons à l'assaut de la ville romaine. Le chemin grimpe en pente douce, comme pour nous donner le temps de prendre la mesure des lieux. Des souffles de brise cassent la croûte nuageuse et donnent des coups de flash
sur les pierres. Alors Dougga apparaît dans sa splendeur. Tout ici est dans le spectaculaire,

la taille des monuments, les pavés des rues, les blocs éparpillés par les tremblements de terre, la remarquable conservation et celle engagée par les hommes qui s'activent dans les chantiers de reconstitution…et dès que le regard s'écarte la magnificence du paysage. 
Le site domine les plaines jusqu'au plus loin où la vue peut porter…
peut être même est - ce la mer que l'on voit au loin, là-bas à cent kilomètres ! 
Depuis plus de 20 siècles Dougga surveille cet horizon d'oliviers et de blé.
Dans Dougga on se laisse aller, le pouvoir suggestif se plaît à récréer la vie aux détours
d'une allée pavée. Un espace, des statues, des mosaïques, les colonnes des thermes 
encore frémissants des chuchotements. Ici le bain chaud, les étuves, la table de massage... 
Là, la place du marché bruissante des appels des maraîchers…plus loin les marches 
qui conduisent au forum, dans les tapis de fleurs toute la ville est là, palabres infinis pour refaire le monde, réinventer la démocratie, décider de l'emplacement de la borne flot-bleu, 
tiens regarde en bas entre les oliviers le Fleurette ! 
Pour les latrines c'est décidé, on vient de les inaugurer : en fer
à cheval, percées de 12 trous et d'une rigole réceptrice, l'espace individuel est faible, 
la forme est idéale pour dialoguer pendant les besoins, évaluer la valeur des choses…
des choses ?
A propos de la chose, la maison Trifolium c'est juste à côté, un emblème dans la pierre 
en est une belle signalétique : un sexe masculin, deux seins , tout un programme !
Le soleil a définitivement dominé les nuages. Le Capitole émerge des tapis de fleurs,

magnifique, certainement un des plus beaux témoins du monde romain. 
Dans le ciel pur les chapiteaux corinthiens des colonnes prennent un relief saisissant.
Le tympan du portique livre un bas - relief qui raconte son histoire..
Cela fait plus d'une heure que seuls dans ces lieux magiques nous laissons gambader 
notre imagination. Il nous reste à retenir une place au théâtre…tiens v ' la les touristes, 
ils sont arrivés par l'autre entrée. Un groupe bavard d'espagnols…et.. 
tiens mais c'est vous…nos lyonnais, nous nous croisons depuis Tabarka. 
Ils ont dormi à Dougga aussi mais de l'autre côté.
Ah bon, il y un autre côté de la colline ? Bon à savoir !
Le théâtre est modeste, comparativement à certains grands, sa construction en fait un cas exemplaire ; décoration, recherche acoustique, machinerie…qu'a t-on inventé depuis ?
En bas dans les vagues d'oliviers, le mausolée punique est lui un cas unique.
Aujourd'hui encore il n'a livré tout son mystère, c'est ce que me dit l'âne Mohamed Buridan
qui picore les maigres brins d'herbes dans la caillasse fleurie.
On a du mal à se décrocher de Dougga…beaucoup de mal !
La route pour nous file vers l'est, la région verte de Mejez El Bab est bien décevante.
L'oued comme dans bien des pays chauds tourne le dos au village.
Il nous faut notre perspicacité expérience pour trouver un coin acceptable.
Vue sur le vieux pont, peut - être bien romain lui aussi jeté sur l'oued.
C'est le passage obligé de toute une population, le croisement permanent de générations
de moyens de locomotion, et pour nous un spectacle !
Thuburbo Majus est un des grands sites romains de la région…métropole plus proche
de Tunis, à la fois plus simple et complexe à décrypter. Ce matin à Dougga l'imagination galopait, ici dans ces dédales de blocs égarés il faut faire des efforts.
Le Capitole domine le champ de ruines de ses colonnes de marbre esseulées.
Les temples se devinent tout autour, les thermes d'été , les thermes d'hiver préservent 
quelques mosaïques. Les fleurs de printemps sont ici grandes gagnantes, elles tapissent 
les sols, entourent les piliers, donnent une dimension tendre à cette débauche de marbres.
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Hammamet...
Dans la grande plaine qui coule vers Zaghouan les troupeaux de moutons blancs et bruns
se multiplient.  L'aqueduc romain qui, en 65km, amenait l'eau de Zaghouan à Carthage en suivant
le pied des monts. Impressionnant ouvrage multipliant les prouesses pour insinuer
ses canalisations dans la complexité du sol.
Le Fleurette veut sa photo souvenir au pied de cette œuvre maîtresse…allez clic clac !
Et route vers Zaghouan. Peut - être l'étape pour ce soir. On commence à sentir les arrêts possibles, la configuration du pays. Moins simple qu'en Turquie, tout simplement peut - être
par ce laisser - aller général qui transforme toute place en un lieu d'immondices,
par cette détérioration des maisons qui ne crée par la confiance…par…
Allez on verra bien ! L'arrivée à Zaghouan est assez encourageante, beaucoup moins qu'ailleurs de ces troupeaux de sacs plastiques noirs qui décorent les arbres…une certaine légèreté
dans la banlieue…une situation en balcon au pied de la chaîne montagneuse pourvoyeuse d'eau.. un je ne sais quoi de sympathie ! On " fait le tour " comme d'habitude, jusqu'au bout,
la rue contourne le plateau, allez hop à droite au hasard, interdit camion zut...
tant pis c'est parti…ça passe au millimètre, au rétroviseur rabattu…
les passants nous aident à frôler les caniveaux.
" Regarde à droite… " une placette plate en surplomb, devant la " Direction régionale des postes " ça inspire confiance non ?..
La vallée en panorama, une mosquée en fond donc un muezzin en fond sonore…
tope là on prend !
C'est l'heure de l'apéritif…cacahuètes salées et porto, vous en reprendrez bien un.
Les lumières de la plaine s'éclairent par jets saccadés, le ciel se noircit, les réverbères valides s'allument, la mosquée s'illumine d'une collerette de néons, les jeunes du coin devisent
sur les escaliers des demeures…
Clement le coin te ravirait !

Mercredi 17.
La Mecque du tourisme.
Panique à Canal Plus. Ici les pins de notre belvédère frémissent dans la brise du matin.
En - bas les blocs blancs des immeubles populaires sont presque beaux.
Les employés des postes attendent assis sur les murettes que s'ouvre la belle porte bleue .
Le ciel est magnifiquement pur et pourtant là-haut de gros nuages noirs s'accrochent au mont Zaghouan. La rue Bourguiba qui monte vers le haut du village est empreinte de sérénité,
la Grande Mosquée est fermée, le marabout Sidi Ali Azouz aussi, en rénovation, par une grille entr'ouverte je pille une image interdite. Le toit en dôme vernissé brille dans le ciel matinal,
une femme se désaltère à la fontaine…Le haut de la ville est le centre politique, gouvernorat, municipalité, garde nationale…la profusion de drapeaux d'images du président donne le ton.

Sur un banc à côté du Fleurette depuis ce matin de bonne heure, deux jeunes filles en dialogue.. " On attend l'école…les cours c'est à dix heures jusqu'a 12h…et on reprend à 13h… " et vous attendez depuis ce matin.. " C'est pour le transport… "..Dites - moi , le temple des eaux c'est où ? " Vous montez là-haut dans la montagne…en voiture oui, c'est possible ! "
Merci les filles, travaillez bien à l'école !
Le temple des eaux ou de Nymphée est un délice de fraîcheur posé au pied des escarpements rocheux. Nous serions arrivés la hier soir c'était BTS c'est sûr ! Dans le cadrage d'un immense bougainvillier le temple se refait une beauté, le maquillage béton des ouvriers d'aujourd'hui
est un peu trop cimenté de frais…mais dans quelques saisons il n'y paraîtra plus !
Le site est exquis…un raccourci de ce Zaghouan trop ignoré et que nous avons du mal à quitter !
Notre route oblique maintenant vers la mer, on va retrouver les rivages bétonnés.
Comme pour se donner encore un peu de répit halte rustique en haut d'un piton : Djeradou. Rustique vrai, oublié des poncifs touristiques. Sur la place posée dans la terre battue notre arrivée crée l'animation. On connaît ça en Turquie, pas encore en Tunisie.
Ca doit être ça le vrai rustique, pas celui qui cache le médiocre.
Balade entre pavé et terre battue, entre minaret étincelant et cours fermées,
entre les ateliers des tisseurs de couffins qui semblent être le métier du village.
Au bas du village l'école dans un espace de terre rouge. Un groupe d'enfants est en classe
de gym… " C'est tous les 15 jours, Monsieur, mes élèves c'est des troisièmes, on a journée loisirs. Trois séances ; documentation, culture et puis ici éducation physique. "
Le prof en blouse blanche est intarissable. Pour moi, rien que pour moi, mise en scène
du dernier tableau de la classe " Hymne au monsieur de la caravane, allez tous ensemble ! " merci monsieur le professeur !
Djeradou se quitte dans les nuages blancs des immenses carrières proches,
comment ils font les cactus pour pousser ainsi recouvert d'une gangue de calcaire ?
La mer, on la retrouve à Bou Ficha, bouh la mer ici, une longue langue de sable magique,
là-bas au loin.. inaccessible. Alors on remonte vers la Mecque, la mecque des vacances
de masses. On craignait le pire, après tout l'intrusion dans Hammamet n'est pas plus rebutante
que celle de la Grande Motte, peut - être moins. Un long ruban de béton qui cherche des diversifications pour casser la monotonie, en contrepoint des lignes de palmiers chétifs…
Un port de plaisance immense, plutôt dépouillé de ses flottilles d'été…nous y voici seuls ! quelques visage pâles égarés hument l'air du large, un gardien fait les cent pas talkie-walkie
en éveil pour ne pas se sentir trop isolé…des grues au loin tente de placer un domino de plus dans ce puzzle vide… " Ils vont venir dans 2 ou 3 semaines " nous précise le gardien au talkie, ils se sont les touristes, refroidis par …Israël…mais non voyons par…la synagogue de Djerba ? " oui…ils ont peur ! " Il a eu du mal à le dire !
" Guten Tag ! " Le couple s'est arrêté devant la baie du salon, je continue en français…
" En Allemagne on a un camping car…on est de Hambourg…on vient ici pour 15 jours…
C'est trop construit ici ! " Pour être des allemands on s'en serait douté, le teint blême peut - être ! " Beaucoup d'allemands ne sont pas venus, à cause de l'événement,
mais nous on n'a pas eu peur ! " Ben voyons !
Hammamet Sud…en quittant le quartier des hôtels on clarifie la différence avec l'autre Hammamet, la naturelle, la vraie , enfin presque encore ! Nature oui pour ce qui est des petits tas d'immondices, pour le reste: restaurants, fast-foods, souvenirs, hand-books…
Nul doute nous ne sommes pas au cœur de la Creuse. Nous sommes bien à la fois au centre
du tourisme organisé et au cœur d'une vie traditionnelle qui bouillonne encore. Une médina authentique et boursouflée d'échoppes attrape- bronzés, une plage qui déjà sent l'ambre solaire et qui vibre du retour des barques de pêcheurs dans la chaleur du soleil couchant.
Curieux mélange qui fait certainement le succès de ce golfe idyllique.
De là - haut, du chemin de ronde de la forteresse de la kasbah on mesure encore mieux
ce melting-pot , d'un côté le cimetière qui aligne ses milliers de tombes en bord des vagues infinies, de l'autre l'entrelacs des ruelles livrées aux marchands. De là-haut le jeu des vendeurs rabatteurs devient spectacle. D'en - bas il n'est qu'agaçant. Il suffit de prendre du recul, d'éviter le piège du dialogue pour se laisser aller au bonheur du détail. Détail d'une porte cloutée,
d'une fenêtre grillagée, d'une échancrure d'où émerge le chant d'un oiseau en cage,
de la silhouette jaune du minaret de la mosquée, de portes jumelles qui affinent leur différences dans des nuances de bleu…même si c'est pour le touriste l'œil est à la fête !
On se laisse gagner par le temps.. Je voudrais encore passer au " publinet "…pas facile
à trouver, et tous les postes occupés…je déclare forfait.
On décide de retourner au port de plaisance.. La route de Sousse ça doit être dans cette direction, ! T'es sûr.. on verra bien, pour le moment on est coincé dans une rue marché,
train avant dans les salades, train arrière dans les tomates…les rétroviseurs jouent avec
les rétroviseurs de ceux d'en face égarés comme nous dans ces allées maraîchères.
Les klaxons couvrent les pépiements des poules en cages, et le soleil couchant
qui nous nargue dans un embrasement qui doit être sublime…sur la mer !
On retrouve facilement notre quai du port. Des jeunes vigiles badgés nous observent…
" Vous voulez rester ici pour la nuit ? " …Ben oui ! " C'est pas possible, c'est interdit, il y a une pancarte à l'entrée " on l'a vue bien sûr le panneau, mais on ne sait pas les lire ces panneaux ! On peut vraiment pas ? Et où est ce que l'on peut ? " Moi je sais pas ! "..
Et si je demande au commandant du port ? Il n'en revient pas le jeune vigile !
" La capitainerie c'est là-bas "..
Là-bas est en bout de jetée, un immense désert , poste de police je stoppe, un policier
se précipite en courant, je blague pas il court ! " bonjour, vous allez bien ? " Jusqu'à maintenant oui ! Dites Monsieur la Police on peut rester ici pour dormir ? " Attends un moment chef, viens avec moi… ! " je suis, le représentant de la loi. " Moi c'est la police des frontières, à côté c'est
la garde nationale, derrière c'est la douane… " Et c'est quoi la différence ? Enfin je commence
à comprendre : dans les villes la police, dans les campagnes la garde-nationale. C'est comme chez nous dis ! Bon alors à qui on la demande l'autorisation ? " Viens avec moi ! "
La capitainerie ça ressemble un peu au hall du centre Pompidou, encore que…
mon ami de la police des frontières expose mon cas au préposé du stand d'accueil qui tombe des nues où il devait somnoler. " Moment… " téléphone… " Commandant…caravane…ici la nuit.. elle peut ? " ça doit donner ça en Français…car ça marche " OK ! " ça y est c'est gagné.
" Tu ti mets où ti veux ! "
Là-bas ça serait bien, pour voir le soleil demain matin, mais c'est en sens interdit…
" C'est rien, ti passes ! "
Il est tout heureux mon ami de 10 minutes, de la police des frontières, ici il travaille,
il est de Tunis " ma femme travaille à Tozeur… " C'est loin Tozeur ! "
C'est pas encore ma femme ! " Ah bon !
C'est difficile de choisir son coin quand la place est immense. Sur la banque de la capitainerie j'ai kidnappé la doc' d'accueil du port et avec les explications de mon ami de ….je recolle
les morceaux. Le port Yasmine d'Hammamet Sud est tout nouveau tout beau : 9 mois !
Un port tête de proue du tourisme du nouveau millénaire. Il se veut hors du commun dans
un cadre hors du commun. On y croit presque au pied de la tour illuminée de la capitainerie.
Pour l'instant on goûte son immense tranquillité, ses dizaines de réverbères
qui soulignent la jetée vide.

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Villages..!
Jeudi 18.
Villages…
Il y a comme un décalage entre le gigantisme du parc hôtelier et l'absence de fréquentation…
les quelques rares peaux brunies trop vite rencontrées hier dans le souk-touriste de la vieille ville ne font pas une clientèle pour meubler ces nuées d'hôtels qui meublent eux le front de mer. Impressionnant n'est même plus l'adjectif pour en donner le démesure.
Le vide, le vide partout, et pourtant le rythme de construction est endiablé, les grues virevoltent dans l'azur, les bennes à béton tournent à plein.. mais où sont les clients ?
Il en reste au moins une floraison architecturale assez réussie, et autant l'admirer aujourd'hui avant que quelques années de non entretien en fasse un abîme décrépi !
En quittant Hammamet la route vers le sud ne voisine que des champs d'oliviers à perte de vue.
Le routard est le seul à nous signaler " village Ken " a quelques kms au sud de Bou Ficha c'est quoi encore ? Un attrape nigaud ? Il faut beaucoup d'attention pour ne pas le louper tant la signalisation est minimum. Enfin, on y est ! Et semble t - il les premiers " visiteurs " de la journée. On réveille dans leur petit marabout les 3 donzelles chargées de l'accueil, mais quel accueil !
La panoplie de sourires est un soleil de plus dans le bleu de l'azur.
Petite doc'… c'est le mini…" Nous, on fait le guidage… ! " Le sourire est engageant, on prend ! " Moi c'est Olfa.. " On te suit Olfa…et on ne le regrette pas . Le village Ken c'est un rêve de facteur Cheval, une vision folle de Noura et Slad, un écomusée à dimension personnelle, un…un décor pour commencer ! Un village avec ses placettes, ses ruelles terrasses et passages voûtés,
Sidi Bou Saïd sans la foule mais avec les guirlandes de bougainvilliers, tiens il y en a des blancs ! Un village avec ses échoppes où se trame le tissage de tous les talents…
oui bien sûr " ça fait touristique ", et peut - être a t-on la chance d'être seuls ce matin, alors que ce soir c'est ici grande réception pour un club de visages pâles. Ils viendront certes s'ébaudir sous la tente bédouine, ils viendront sentir l'authentique de la tunique que revêtira Olfa et qu'elle essaie pour nous ce matin.. Après tout goûtons le moment et n'en demandons pas plus. !
P
our nous seuls certainement les échoppes artisans s'éveillent, les menuisiers font chauffer
la cire et c'est vrai qu'ils sont magnifiques les meubles de la demeure expo, ancienne habitation des créateurs du lieu. Les tisserands de châles, de tapis, de kilims, les potiers et le dinandier… Chacun y va de son savoir-faire surfilé de joyeux sourires. Ici le musée des costumes
de mariages… on t'imagine Olfa avec ces broderies lentement travaillées depuis des années, comme c'est encore la coutume pour les jeunes filles… !
Olfa elle est déjà ailleurs, à Perpignan où elle pense arriver à finir ses études d'avocate,
lorsque les difficultés de visas résidus du 11 septembre lui ouvriront enfin la voie.
Ici elle apprend, les contacts, les échanges et c'est passionnant !
Merci Olfa, Noura, Slad…sur la route de Sousse il était un lieu magique !
<<< allez voir " Village Ken" c'est a http://www.villageken.com.tn
Le Routard sait dénicher des coups de cœurs. Takrouna est aussi un de ceux ci ! perché là-haut comme un signal dans la terre ocre. Le village est un bout de monde au bout d'un 18% qui se mérite. Le Fleurette peine et se pose éreinté sur les quelques mètres carrés du promontoire.
Le comité d'accueil est déjà en place, et ça aussi le routard nous avait prévenus ! Un commando de jeunes désoeuvrés, un quadra, malboro en coin de bec, un trio de vieilles berbères édentées…c'est très bien pour créer l'ambiance, mais ça devient vite horripilant lorsque ça colle aux trousses en quémandant dinar ou euro. Le lieu est extraordinaire, rare village berbère de la région avec cette architecture si forte de maisons voûtes en patios. Le lieu est désert aussi, il est vrai que l'eau ne monte pas là-haut, que la terre à cultiver est en- bas dans la plaine, que le travail ne tombe pas du ciel…Je tente d'expliquer cela à l'homme à la malboro qui me sollicite pour quelques dinars " y a pas de travail ici ! " Et tu crois que c'est Allah qui va t'en donner ! Regarde autour de toi, tout ce que tu peux faire au lieu de quémander ! Je prêche dans un désert, je le sais bien…peut- être parce que j'aimerais le dire aussi à tous ceux qui passent
le temps aux terrasses de cafés devant les immondices qui décorent les rues !
Au sommet du village une jeune femme nous avait offert un thé à la menthe, avant de quémander son dinar, le trio des anciennes édentées voulaient se faire photographier pour…dinars…
Un village époustouflant de force architecturale livré à l'indolence. Noura, Slad et Olfa future avocate qu'en feriez vous de ce lieu ? Certainement une autre magie !
La route redescend à Enfida, sans intérêt si ce n'est de montrer en concentré ce qu'était une
de ces villes dites " européennes " d'avant…Bâtiments au cordeau des années trente,
église transformée aujourd'hui en petit musée..
Un " publinet "…un peu sommaire, mais libre, alors je prends ma patience en main et tente
une fois de plus d'ouvrir CCeL…rien n'y fait, pas plus que certains autres sites amis de Free
ou Wanadoo… " Capliberté ça marche… " je découvre les pages de Pascal qui lance son " club GPS "..et le sondage sur les problèmes de stationnement. Vu d'ici cela semble bien dérisoire.
Ici nous sommes loin de la mer. Nous la retrouvons à Hergla, petit port de pêche, petit…
Pause- midi !
Adorable village, encore à l'écart des migrations touristiques, encore que.. on sent bien dans
les réactions des petits commerces les attraits de la " zone touristique " de Sousse, proche.. trop proche. Ici les scourtins en jonc tressé n'ont pas simplement comme fonction le pressage
de l'huile d'olivier, ils emballent toute chose pourvu que cela plaise aux touristes ! Elles sont agréables les rues, sereines et calmes, Daky y fait son effet habituel… " le chien…comment il s'appelle le chien ? " Daky ..et toi ? Les enfants s'agglutinent, curieux mais apeurés…non c'est pas un caniche, non mais, " moi un caniche…patron si tu laisses dire ça je rentre en France ! "..
On retrouve le port après la promenade villageoise.
Tiens il y a un cerbère à l'entrée, va falloir négocier !
On peut rester ici pour dormir ? " Si ti veux, ti demande là-bas " Là-bas c'est le poste de la garde nationale. De toute façon je l'avais mis au programme. Allez c'est parti pour le scénario !
Salut chef ! Le premier qui se présente est nécessairement chef !
On peut rester sur le port pour la nuit !
" Oui, je comprends, mais… " Ouille il réfléchit ! " Où tu veux te mettre ? Où tu manges ?
Où tu vas ?... " Bon ça va mieux ! On se met là-bas vers le terrain où jouent les enfants, ça va ?
" C'est peut - être pas bien ! " un second chef se mêle à la négociation " Ca va, c'est bien là-bas, tu peux ! " " bonjour le chien ! " Daky a mis le nez à la portière pour s'intéresser à la diplomatie.
Le " chien " déclenche l'engouement de tout le poste. Allez descends Daky, vient dire bonjour ! Il ne se fait pas dire deux fois et fonce dans le poste faire sa tournée d'inspection, le chat qui dormait sur un chat-lit n'en revient pas et en se sauvant renverse un narguilé qui traînait…
Stupeur de la garde nationale tunisienne qui vit là des moments historiques.
Allez Daky, dans le campingcar, la séance est terminée,
on ne va pas friser l'incident diplomatique !
La nuit entre temps est tombée, la lune brille dans le miroir des vaguelettes du port .
Allo Ali ! Ali c'est le frère d'une amie tunisienne de chez nous, on doit le rencontrer demain à Sousse, on a " des choses pour lui " dans la soute ! Mais entre temps on va chambouler un peu le programme, on vient de s'apercevoir que la Foire de Nabeul ouvre demain, après tout ces n'est qu' à 60km, et par l'autoroute…alors demain matin , après la criée aux poissons au retour des pêcheurs, direction Nabeul !

Vendredi 19.
Un petit vrombissement nous avertit du retour des pêcheurs, vite je fonce…
ils ne sont guères nombreux, tout au plus 3 grosses barques…
et quelques cageots qui prennent vite la direction du hall du port. 
L'opération pesée est traditionnelle dans bien des pays , mais toujours aussi nature. 
Les pêcheurs mettent en ordre les poissons dans les cageots comme s'il s'agissait
d'un concours de beauté, le peseur titille sa bascule pour secouer un gramme de rouille 
et hurle le poids…l'enregistreur note cela en s'appliquent sur un long registre qui accumule 
les jours et les années…
C'est ici que commencent les statistiques de pêche de l'institut national !!!!
Au sommet du port le petit cimetière regarde la mer, ses tombes blanches alignées 
scintillent dans la lumière crue du matin. Le sentier qui monte du port traverse le cimetière.
Elles en voient passer des cageots, des ballots de filets, les tombes…et celle qui jouxte
la porte fermée est piétinée des centaines de fois chaque jour pour l'escalade du mur.
C'est la vie qui continue.
Dans le village les artisans tissent, on doit dire comme ça, le jonc pour faire des scroutins
et surtout des souvenirs pour les touristes de passage. 
Mais nous sommes loin des grands axes des tours-opérators et les prix.. plongent !
Dans les rues les silhouettes rouges et bleues des femmes d'ici, jonglent avec les pavés
de soleil . L'ambiance est toute de finesse, de charme. Dur, de s'en extraire, mais il le faut,
ce matin la fiche soudée à Bizerte a fait des siennes et cassée me laisse une fois de plus 
dans la panne.. et cela juste au moment où en me baissant…aie ! ouille ! 
un coup de couteau dans la cuisse et je reste coincé…
on va appeler ça déchirure musculaire en attendant mieux, pommade, cachet…faut avancer !

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Nabeul en Foire..!
Vendredi 19.
Nabeul en foire.
L'autoroute nous remonte en une petite heure vers Hammamet. Dans la rue commerçante un petit magasin échoppe électronique… " oui, je répare… ! " Quelques minutes, la fiche est changée, j'en prends une en secours…et hop ça repart. . A Nabeul, office du Tourisme, la foire ne s'ouvre qu' à 15 heures et peut -être plus tard…Ah non, on ne va pas repartir…on calcule, on devrait quand même pouvoir être de retour à Sousse pour notre rencontre de ce soir…
Un peu à l'écart du centre ville, sur l'avenue qui part vers Hammamet,le Centre des Traditions
et de l'Artisanat se sent un peu délaissé. Quelle découverte ! Regroupés ici des artisans, choisis pour leurs compétences, leur renom , nous proposent en une galerie express la quintessence des talents de Nabeul. Oui mais…les guides ignorent le village artisanal, ici on ne leur graisse pas la patte pour y débarquer les bus bondés.

Alors dans la tranquillité une pépinière de nouveaux talents se forment, l'exposition des travaux est permanente, les prix bien plus bas que dans les rues à touristes. Mais ne demandez pas une plaquette de présentation, il n'y en a plus, j'ai obtenu la dernière !
On retrouve notre coin de plage, nos deux chiens cerbères de la villa fermée…pause- midi
en attendant l'ouverture de la foire. Salon ouvert, l'air frais du large revigore le pastis.
" Bonjour Monsieur, bonjour Madame ! ", les trois sourires timides sont à l'unisson sur fond
de grande bleue. Depuis un moment je les voyais papoter a une encablure, comme le ferait un trio de jeunes filles de cheunous, en jetant de temps en temps des regards au ccar…et puis elles ont pris leur courage … " On voudrait devenir ingénieur dans l'agriculture…comment c'est possible en France ? " En voilà une question à 100 dinars ! " Moi c'est Tourkia, parce que quand je suis née mon papa il travaillait en Turquie. Elle c'est Samia " Et toi ? " Moi je m'appelle Fathia "
Et pourquoi l'agriculture ? " Nous on aime, on est copines, alors on voudrait continuer ensemble…ici il n'y a pas de travail, chez vous en France c'est mieux… " On a déjà entendu cela, on prend nos précautions de paroles mais ce n'est pas facile de ne pas laisser d'illusions. Elles sont tellement enthousiastes ! Qu'as- tu à la main Tourkia ? " C'est du henné, j'ai mis ça pour son anniversaire, c'est la coutume. " Elle farfouille dans son sac à dos et sort une photo de studio, le trio de Nabeul, " c'était à Bizerte, on a fait un stage au lac d'Ichkeul, c'était bien… " Donc Yves, a Ichkeul il n'y a pas que des oiseaux, les oiselles y sont aussi et mignonnes !
Dis donc Tourkia, tu fais la grimace sur la photo ! " Elle avait un problème " Un amoureux ?
" Non, elle avait pas réussi un devoir ! "….On resterait longtemps à bavarder. C'est Fathia qui produit le vocabulaire français, en arabe elles se concertent, et Tourkia se lance…" Monsieur tu fais photo avec la dame ? " Vous refuseriez vous une photo avec le trio de Nabeul ?
Allez Daky tu viens aussi, comme tant d'autres photographes de mode accourus ici
pour la belle plage mythique, je mets en scène la photo de pochette du trio de Nabeul.
" Dis Monsieur, tu restes ici ce soir, on pourrait parler sur la plage ? "
Eh non Tourkia, ce soir on doit voir des amis à Sousse. Dommage, dommage…
Au-revoir les filles…bonne chance dans l'agriculture !
Au fait l'agriculture est au centre de la Foire de Nabeul, foire " internationale ", et nous au centre par hasard de l'inauguration officielle. Après la photo de mode, reportage people !
C'est le second du Président Ben Ali qui vient couper le ruban, Mohamed Ouardani en personne avec Mr le Maire de Nabeul et le Gouverneur de la province. La troupe de musiciens venus
du Sahel fait vibrer la porte centrale, les fillettes en costumes répètent leur pas de danse, fignolent les fleurs du bouquet, le responsable de protocole s'agite…
la grosse laguna aux vitres noires arrive en trombe…

Bouquet, bise,ciseaux, ruban…trompette ! La foule nous entraîne entre les allées.
Une foire toute de bonhomie, très loin, très très loin des souks à touristes. Quelques visages pâles comme nous déteignent à peine. C'est la vitrine annuelle du commerce régional, à la fois pavillons d'architecture locale chaulés à neuf et tentes bédouines regorgeant de pacotilles asiatiques. La dominante est bien sûr la production locale de poterie et céramique.
Occasion exceptionnelle de …changer notre service à couscous qui commence à s'effriter !
Premier tour de piste de reconnaissance, second de repérage, troisième de négociation.
" 250 dinars… " Le plat et les 6 assiettes ? …Vous me rajouter 3 assiettes, a 250 je prends.. !
" 280 dinars "..trop cher, a côté c'est 200.. " C'est pas bon, à côté ! " …Moi je retourne là-bas. " Allez ti donnes 250 ! ". .On y rajoute un petit plat à sauce, ça ira !

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  Sousse...
Maintenant cap sur Sousse, on va être en retard ! Autoroute au maxi !
L'arrivée à Sousse est populeuse, 10 Kms en bord de mer sans l'apercevoir, mais il nous faut quand même trouver notre BTS du jour…subitement alors que le courage baissait, là…la mer, une grande plate-forme parking immensément vide…c'est pas vrai pince-moi !
Et en repère le grand Casino qui commence à s'illuminer ! Tope-la !
On cherche vite un fleuriste, un bouquet pour notre hôte, et puis trouver la rue Béja…
Tour de quartier, retour de quartier, re…re.. Ca doit être là, en face de l'hôtel Riyad Palmas 
m'a dit Ali au téléphone. En face un grand terrain vague. Allo Hedia, on est perdus…
" Bougez pas, mon fils vient vous chercher ! " On était à moins de cent mètres !
Qu'est ce que je fais ? Je raconte notre soirée ? Ali le frère de Zorah notre amie Tunisienne
de St Jean, Hedia elle d'origine italienne, est - ce pour cela qu'elle parle si bien Français ?
et Alia, la jolie Alia au sourire magnifique, et Hamin le grand petit dernier qui rêve de mécanique auto, de grande mécanique…Couscous à la sèche farcie…autour du grand plat symbole
de convivialité on apprend la Tunisie d'aujourd'hui, on comprend le quotidien qui nous interroge, et comme Ali est dans les hautes sphères de l'aéroport on fait un tour complet sur le tourisme tunisien. Pas très fort cette année, soubresauts encore du bouleversement de septembre,
effets directs des déconfitures des grandes compagnies, mais l'esprit tunisien fait face.
Nous sommes un pays de sérénité, de neutralité,alors ça va quand même !
Fraises en dessert, nous sommes en pleine saison, en pleine région….
A demain amis, on repasse vous dire merci avant de plonger vers le sud.
D'accord Alia, tu te feras belle, je te ferai une belle photo !
De nuit le grand parking est aussi immense…et la mer, au bout, brille dans la lune !

Samedi 20.
Week-end à Sousse.
Le bourdonnement qui nous réveille c'est le tracteur qui inlassablement nivelle la plage pour
les vagues de vacanciers du week-end. Au loin passe une barque de pêche, image symbole !
On le sait depuis hier soir…les charters déversent à Sousse des flots de touristes, allemands
en tête, la kasbah nous le confirme très vite. Les étiquettes sont souvent trilingues au coin
des échoppes, les appels des échoppiers d'abord dans la langue de Goethe…on fait avec ! " Vous Français.. ah, bienvenue alors ! " " pour toi français c'est 10 dinars… " Suzy négocie
une machine à coudre a main, venue tout droit de Taiwan, mais quelle merveille pour tenter
la broderie ! La merveille restera à Sousse !.
Nous sommes bien au centre du tourisme de masse à la tunisienne, tranquille, et pourtant l'impact nous semble moins prégnant qu'ailleurs. La ville respire mieux qu'Hammamet, la médina a un visage plus nature…peut -être est-ce l'heure car les flots de babouches qui croulent,
les paquets de colliers d'argent à six sous, les chasubles traditionnelles fabriquées
dans la campagne…c'est bien là pour prendre le prochain vol-charter-retour !
La grande mosquée toute simple, le ribat forteresse aux pierres un peu trop rénovées, sa tour qui nous donne un époustouflant panorama sur le dessus de la ville…le filet étroit de la rue centrale des souks mêlant les odeurs de cuir travaillé aux fleurs nouvelles de jasmin et roses…

la ruelle qui grimpe et celle qui dégringole, le peintre qui chaule le long mur du bâtiment municipalité et qui ne veut pas sa photo et le sabotier qui réclame la sienne…
c'est la médina et son kaléidoscope de couleurs et de sons.
Le temps passe, on se laisse dépasser….pour la pause midi, quatorze heures plutôt,
objectif le port de Monastir, une petite vingtaine de kilomètres. Regarde, 2 camping cars !
Des autrichiens…et pourquoi pas ! A notre tableau de statistiques pas plus de 3 camping-cars depuis 2 semaines, mis à part le groupe de Bizerte !
Le port est endormi au pied de la forteresse aux pierres rénovées plus vraies que nature.
Une carcasse métallique finit de rouiller à moitié immergée…
on repassera voir dans quelques dizaines d'années !
Retour à Sousse par la majestueuse route de corniche qui serpente piquetée de grands hôtels.
Aujourd'hui grand match de foot entre les 2 grands " Etoile Tunis<>Etoile Sousse Sahel "…
des groupes de supporters sillonnent la ville avec banderoles, fanions et klaxons bloqués !
Ville du samedi , ambiance hésitante entre activité bruyante et silence du dimanche.
Sur la plage une exposition de sculptures remue les concepts artistiques locaux .
L'artiste, émule de César et Calder, transforme les matériaux les objets usuels dans une galerie décalée des figures tunisiennes : personnages des villes et des bourgs, animaux du sahel, imagerie traditionnelle revue et corrigée par un filtre appuyé. Les familles déambulent entre
les silhouettes déglinguées, commentent les ressemblances, s'étonnent des allégories, la vieille mémé tente d'expliquer à sa petite fille le sens d'un pot d'échappement torturé…
La belle Aïcha se fait photographier par son amoureux entre les cornes d'un tonneau-taureau…
le soleil n'en revient pas et va se coucher dans un immense embrasement rouge !
Opération stock de vin au " Magasin Général "… " le " fournisseur d'alcool. Il faut aller au fond
du magasin, ou tout simplement remonter la file des clients aux sacs plastiques noirs qui
se faufilent entre les rayons vers la sortie. Curieuse impression que ces magasins, comme un relent des grands magasins des pays de l'est, ou la Yougoslavie d'il y 20 ans.
Rayons indigents, rares clients, multiples vendeurs désoeuvrés …
Un vigile, filtre l'entrée au rayon des " boissons alcoolisées "…filtre bienveillant et lucide :
c'est samedi, il y aura beaucoup de jeunes sur les coins isolés des plages ! On commence
à connaître la gamme des crus tunisiens. Rien d'exceptionnel mais l'expérience européenne n'est pas oubliée: les Gris de Tunis, les Mornag, le Rosé de Cristal…ont pour nous des fraîcheurs suffisantes, à des prix très semblables aux nôtres. Dans le rayon voisin les apéritifs sont exclusivement européens, et ici on ne divise pas le prix par 2 on le multiplie par 2 ou 3 !
Ce soir on retrouve la famille Ali, Hédia veut absolument nous faire manger la " mloukhia " un plat si curieux qu'il faut être initié pour oser. Ce soir nous retrouvons aussi Aïda la fille aînée, elle est

mariée, habite à 30kms, et attend son premier bébé. Voici toute la famille est là pour la mloukia !
Ben oui, c'est curieux, curieux civet de viande où la sauce n'est point du sang mais une bouillie longuement mijotée d'un épice local, le mloukia.
Tout cela vous donne un plat sauce noire profonde aux yeux d'huile surnageant.
Allez on se lance sous les regards ébahis ! et on en sort charmés. Il faut prendre des risques !
La mloukia ça met en appétit pour discuter des grands problèmes politiques, de l'affaire Lescure, tout à l'heure nous avons regardé ensemble l'émission de I-télévision en chaîne satellite, les élections françaises bien sûr et comparativement le " régime " tunisien.
Alia s'est mise en beauté…pour la photo ! séance studio devant la public familial…
ta mèche Alia, par-là, cheese…
On vérifie, celle- là oui, celle- là je me plais pas.. loft story !
Le temps passe, passe…Au revoir Ali, au revoir tous, un bisou au bébé bientôt !
On fonce vers notre parking casino de la veille, mais il est peuplé de quelques voitures, batteries de canettes de bières posées sur les capots…on a compris !
Direction Monastir, notre port de midi.
On y est seuls, les 2 ccars ont déserté…l'eau scintille au pied du Fleurette.

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  Coup de soleil !
Dimanche 21.
Le vent du large.
Hier soir on a téléphoné à nos représentants pour notre vote par procuration.
On est loin mais les radios grandes ondes nous tiennent au courant quotidien.
Notre antenne TV satellite est maintenant trop faible pour nous donner les chaînes françaises.
Ici les antennes font largement plus du mètre.
Des coups à proximité du ccar nous ont réveillés, heureusement pas trop tôt.
Je me livre à des pronostics encore endormis : pêcheurs ,tailleurs de pierre ? rideau tiré
ce sont 2 tunisiennes qui lavent la laine de mouton dans la mer au battoir méthode traditionnelle.
Clip top, clip top…ça doit être à peu près ça !
Les ccars autrichiens sont sur le parking payant du port de l'autre côté, côté sécurité !
Monastir se réveille, propre nette, tirée au cordeau . Ville natale du Président Bourguiba,
on sent bien tout l'intérêt qu'elle a pu en tirer. Le front de mer, continuellement retravaillé
en devient la vitrine haut de gamme. Le mausolée Bourguiba en est le symbole fort.
Immense esplanade dallée,marabouts à dômes dorés, allées de colonnes fluides…
L'ensemble est majestueux. Il est tôt encore mais déjà des groupes de jeunes tunisiens
ont envahi le parvis, des files d'écoliers écoutent les explications de leurs maîtres,…
et les marchands du temples autour de cette dévotion fourbissent leurs étals.
Riche, bien sûr très riche tout cela, un peu provocateur avec la pauvreté qui s'étale à quelques pas. On ne peut s'empêcher de faire le parallèle en visitant l'intérieur, le tombeau de marbre environné des plus nobles décorations…mais que serait le patrimoine mondial si les grands hommes n'avaient pas encouragé la démesure pour flatter leur ego !
Je retrouve là, près d'un siècle après, ces images mythiques du combattant suprême
qui faisait frémir les autorités militaires françaises de ma période tunisienne.
L'homme était grand dans ce qu'il représentait de charisme national, ici il est à son image !
Dehors la vie du dimanche est au ralenti. Les magasins ouverts sont branchés " bienvenue touriste, rentre voir pour le plaisir des yeux " c'est agaçant mais on sait faire avec…
Maintenant on plonge vers le sud. Et pourtant le ciel est bien terne. De gros nuages sont amoncelés sur la mer. Le soleil les éclate parfois dans un contre-jour durci. Des lagunes aux franges verdâtres nous accompagnent, les flamants roses s'y ébattent avec les aigrettes..
les algues dégagent des odeurs âcres et suffocantes. Les plateformes directes sur la mer
se multiplient. Pause -midi, le salon a deux mètres de l'écume. Juste pour oublier les cannettes de bières qui décorent le fil du rivage, témoins de nuits de prohibition.
Je pousserais bien ici, comme ailleurs, mon coup de gueule : pourquoi tant de laisser- aller,
tant de lieux sales , tant d'immondices laissés aux caprices du vent ? On connaissait cela en Turquie il y a 20 ans, là-bas sur les rivages idylliques du Liban, en Italie encore vers le sud… mais ici dans ce pays pétri de culture européenne, QUI nous donnera la bonne explication.
Tahar a tenté l'autre soir. " Le soleil qui délite tout était le destructeur écologique du reste de poulet, de poisson ou de….que chacun des aïeux laissait sur place. Aujourd'hui le sac plastique est laissé sur place par un geste séculaire, mais lui il ne se détruit pas aussi vite"
Les troupeaux blancs et noirs de plastique qui ornent les terres…
vous savez pourquoi maintenant ! Nous , on a du mal à l'avaler !
Sur notre plateforme isolée à quelques kilomètres de toute habitation, le vent de mer vient
de se lever, arrogant et fait voltiger les plastiques dans une terne frénésie.
France- Inter grandes ondes nous donne le taux de participation des bureaux de votes ce matin.
Où sont-ils les citoyens français ?
Le vent se déchaîne, les vaguelettes deviennent vagues, la pluie transforme en boue le sable accumulé sur les vitres ! Premier jour de " mauvais temps ". Dommage, doublement dommage car l'entrée à Madhia doit être formidable sous le soleil !
La route vient buter sur une presqu'île presque plate, aux maisons plates, à l'horizon plat…
Impression de béatitude secouée par la tourmente. On ne sait plus si c'est le trop de pluie ou
le trop de vent. Les terrasses sont désertes, les palmiers désolés. Tour de ville, ou plutôt
de presqu'île pour repérer le BTS du jour…Tiens, c'est propre ici. Il doit y avoir un rapport direct entre la vision du maire sur sa ville et les bonnes ou mauvaises habitudes.
Ce n'est pas encore là que l'on mangerait par terre mais…y a du progrès !
Alors on se pose en haut, au sortir de l'extraordinaire cimetière marin, ou en bas vers les bancs de rochers protecteurs de tempêtes ? Ce sera pour en bas…Tour de ville entre deux averses, les pavés luisants donnent du relief aux ruelles de la médina, les auvents pendouillent, suintants, trois gamins jouent aux marins dans une flaque.
Allez on va se poser . Dans une heure on se branchera sur France Inter, ou Europe, ou RTL,
ou RMC…enfin celui qui passera le mieux !
Le BTS donne sur la courbe extrême du village mauresque. Maisons blanches collées
sur un ciel noir. Et d'un seul coup un grand coup de projecteur rouge du dieu soleil perçant
entre un amas nuageux ! Extraordinaire, un de ces coups de magie qui viennent d'on ne sait où.

Le Nikon ne sait où donner du pixel, car il faut faire vite, l'ombre du nuage court sur la ligne
de maisons, le Fleurette en premier plan joue au plan de catalogue, deux barques penchées
sur les goémons attendaient depuis longtemps de passer à la postérité, comme une synchronisation bien réglée l'appel à la prière du muezzin tombe du minaret, langoureuse psalmodie qui vient se perdre dans les franges des vagues… C'est quoi un BTS déjà ?
Une heure de décalage entre la France et la Tunisie, pour un peu on loupait l'heure des résultats des présidentielles . Je cherche à la va-vite sur mon bon vieux Panasonic longues distances
le poste GO qui passe le mieux…les fréquences sont toutes les mêmes, les résultats sont
les mêmes partout…Non c'est pas vrai ! On est tombé sur la tète ! Et on a l'air de quoi après nos discussions démocratiques d'hier soir ! on a l'air de quoi sur ce coin de plage isolée de Tunisie, on a l'air de quoi d'entendre ce refrain sur les motivations sécuritaires qui ont fait basculer
la balance, on a l'air de quoi dans nos étapes libertés tunisiennes, nos BTS de beauté tranquillité ET sécurité, on a l'air de quoi ? Soirée sans images, la force de la radio !
l'image est dans la fenêtre du salon, une gamme de miroitements sur l'eau enfin accalmie.
Les maisons basses du village s'endorment.
Lundi 22.
Mer d'oliviers.
Le soleil matinal éclabousse la baie. On découvre une ville de douceur, tonalités pastel
des murs, tonalités bleue lessivée des portes. Les souks se mettent en place pour l'heure
des touristes. Le marché couvert bruisse de fraîcheur, ses murs de mosaïques lui donnent
une atmosphère unique, ressentie nulle part, les cageots de poissons, les vendeurs
de légumes sont à l'unisson ajustés au décor. Il s'ouvre sur le port, le premier port de pêche
du pays, la flottille est innombrable, l'animation à sa mesure.

Les petits matins éclaboussent les alentours des criées aux poissons.
Au bout de la presqu'île le cimetière marin coule ses milliers de tombes vers le port ancien. Promenade impressionnante dans ce dédale de générations, une charrette traverse l'espace, des pêcheurs zigzaguent entre les tombes, chargés de leurs filets.
La vie se mélange à l'éternité dans une solitude infinie. La vieille forteresse fidèle
scrute l'horizon marin, c'est de là qu'ils sont toujours venus les envahisseurs !

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  Odeur de Sud...

Pour nous la route file à travers une flotte d'oliviers, vagues infinies vers un horizon
qui recule sans cesse.
Au bout, telle la cathédrale de Chartres émergeante de la Beauce, la masse anachronique
de l'amphithéâtre d'El Djem. Nous revoici en terre romaine, nous revoici projetés des siècles
en arrière. De quoi rendre relatif le choc électif d'hier soir !
El Djem c'est le choc, comme Le Colisée, comme surtout Aspendos revu l'an dernier
pour la nième fois.
La masse impressionne de loin, écrase de près. L'imagination a du mal à saisir le filigrane
d'une telle construction. On nous dit qu'il innova, qu'il modélisa ses successeurs…
qu'il contribua à l'éclat et…la perte de l'empire !
On veut bien, on n'est pas gigantesque pour rien !
L'environnement touristique est mesuré, bien sûr part est attribuée aux marchands du temple,
à la médiocratie artisanale. Mais dans le pourtour un peu trop kitch d'une allée en colonnades reconstituées nous trouvons une ribambelle de brocanteurs aux relents vrais, et surtout des ateliers de réalisateurs de céramiques sacrément enrichissants. La leçon est belle, travail

d'imagination et de minutie d'une équipe de jeunes passionnés qui parlent de leur passion.
Les petits carreaux découpés à la cisaille se mettent en place au millimètre, se positionnent
sur le patron avec précision, poisson symbole, personnage symbole ou personnalisation contemporaine d'un riche client à partir d'une photo.. L'art de la mosaïque est éternel !
La route reprend son onde en ligne droite entre les champs d'oliviers.
Subitement, une enfilade de maisonnettes colorisées entre rose et rouge.
Des dépouilles de moutons sanguinolentes accrochées partout, des bêtes bêlantes qui attendent en devanture le couteau égorgeur…Coutume persistante d'un temps de voyageurs
au long cours. De l'étal du boucher au brasero il vous reste quelques minutes à attendre,
vous choisissez votre agneau, on vous l'égorge en toute sympathie, la peau est décollée comme ma grand'mère faisait avec ses lapins, vous négociez votre morceau…D'un côté
la côtelette qui enfume, de l'autre le bêlement stressé d'une nouvelle bête qui se défend.
Le moteur du pick-up " pegeaut " du paysan qui emmène le stock de bêtes tourne encore.. répugnant, allez on avance ! Elles sont des dizaines tout au long de la route les échoppes-bourreaux.. Allez on roule ! La réussite donne des idées.
Plus loin les paysans proposent sur le bord de la route des basses cours enchaînées
comme nos provençaux proposent des cageots de melons .
Une grande ville ça s'annonce par une interminable progression industrielle.
Sfax n'y déroge pas ! A notre premier programme opération " gaz "…il s'agit de trouver
une station de remplissage. " Satagaz " c'est trop beau, là juste à l'entrée en ville le dépôt inespéré. Le gardien comprend vite…qu'il doit téléphoner au chef pour savoir comment répondre à ma demande. Bon, ça se complique, ici on remplit les bouteilles professionnelles,
il faut aller a une autre adresse qu'il m'écrit maladroitement sur un morceau de carton.
Départ pour le slalom…On arrive enfin à une station GPL, elles ne sont pas légion, ouf…bon, bof… " Ci pas possible, pas si bouteille… " mais on nous a dit de venir ici. " Ci pas possible,
ci est interdit, viens voir la note ! " effectivement une note ministérielle affichée interdit de remplir les bouteilles " ménagères "… " Ti vas à Satagaz, ci est à 18km ! " mais c'est d'ici que l'on vient, on nous a envoyés ici !..." Alors ti essayes la station Agil, un peu plus loin, mais ti dis pas que
ti viens d'ici ! " On tente Agil…même problème, même consigne.. même dialogue…un peu plus quand même " Monsieur tu achètes une bouteille tunisienne, c'est pas cher, 245 dinars.. "
Et je fais quoi quand je repars, on me la reprend où ? " Tu la revends à un tunisien, on te la reprend pas ! "…Opération gaz avortée…il doit bien y avoir quelque part une station
de remplissage des bouteilles ménage ! On verra demain !
On a décidé de prendre le ferry pour les Iles Kerkennah…trouver le quai relève aussi du jeu
de piste…Ca y est on y est ! " Il part à 19heures ! " Et zut ça fait 21 heures de l'autre côté, arrivée de nuit, on n'aime pas, ce sera donc pour demain ! On se retrouve en ville, une heure de libre avant la recherche d'un coin nuit.. j'en profite pour tenter un cyber café, pardon publinet, …
et la comédie recommence ; pas de poste libre, il faut attendre 10 mn ou 2 heures, je déclare forfait…autre opération , faire contrôler la fiche d'alim de l'ordi soudée par le sagouin de Sousse. Un premier dépanneur radio me propose de…remplacer la fiche coaxiale par une fiche… d'antenne. Un second est désolé, ahuri devant mon fil. Un troisième me répercute sur un dépanneur GSM… " Bonjour Monsieur, oui je vois…oui on peut…oui on fait… " Je retourne au ccar chercher l'ordi pour un contrôle final..5 minutes à peine, lorsque je reviens la fiche ressoudée est déjà prête…soudure nette dure, soudure de pro,..test parfait…
Combien je vous dois ? " Ca ira comme ça ! "…Le sourire est aussi en plus.
Si vous passez par Sfax, je vous donne l'adresse de Yasmina !
Il est temps de vaquer à notre BTS quotidien. Ce sera un peu au nord vers Sidi Mansour,
une recommandation unique du routard. Une chance sûre…d'être gagnant ! pas très engageante la côte, de longues plateformes sur la mer, mais ourlées de détritus. On pousse jusqu'au bout
à notre habitude. " Là, derrière la mosquée ! " Bon…oui, faute de mieux car le soleil nous quitte à grande vitesse et la nuit le suit dans le quart d'heure ! Parfois il suffit de se poser pour réduire l'effet désorientant de la recherche " en roulant ". C'est bien sûr pas très ragoûtant,
mais le spectacle des centaines de barques échouées sur la grève est assez fantastique
pour gommer les papiers gras. Dans un angle de casemates là-bas un groupe qui sans nul doute cuve déjà une ration de cannettes. Je vais leur dire un petit bonjour.. on ne sait jamais ! Elle est " de luxe " la bière ! Et ça se sent aux haleines.
En principe ils devraient quitter le repaire avec la nuit…Le principe est bon….
a nuit envahit la grève aux centaines de barques échouées.
De l'autre côté de la mer le séisme d'hier veut sortir la France de la Communauté Européenne !
Mardi 23.
Odeur de Sud.
Un brouhaha me réveille sur le coup de 6 heures…ça discute, ça ronronne moteur diesel…
ça donne une impression de jour de marché. Un coin de rideau tiré je comprends tout.
Dans le soleil dur du matin les barques de pèche échouées dans la vase de la grève scintillent de mille feux, les plus lointaines en mer se dodelinent. Caracolant dans le vase des carrioles tirées par des chevaux arabes vont chercher là-bas les cageots de la pêche du jour…
Images perçantes comme les bœufs de Nazaré il y a malheureusement quelques décennies.

Un tracteur tire vers la plage une barque remise à neuf. Maigre pêche, maigres cageots,
chargés immédiatement dans les pick-ups frigorifiques qui viennent ronronner autour de nous.
Ca sert aussi à ces instants uniques un BTS !
Il faut s'en détacher. Nous fignolons notre planning. Publinet : pas d'attente peu de messages, encore un test d'ouverture de nos sites persos, pas plus CCeL que BT ou JPR…curieusement un site ClubInternet s'ouvre.. ainsi que les sites point.com !
Une affichette nous répond " nous rappelons à notre aimable clientèle qu'il est interdit la connexion aux sites visés par la législation "… qui donc est visé ?
Après Publinet, Office Tourisme pour tenter d'obtenir une piste pour le gaz. Accueil charmant dans un kiosque vidé de décoration, vidé de documentation, vidé d'âme, accueil qui se veut efficace, notre hôtesse nous donne une piste " sérieuse " : sur la route de Sidi Mansour
un " kiosque " remplit les bouteilles…On y a passé, on n'a pas vu…donc on y retournera !
Entre temps : médina.
Une médina à part dans notre hit-parade, originale, rustique non frelatée, préservée d'un tourisme dévastateur. On va au hasard malgré le plan-circuit conseillé. Et le hasard est un sacré conseil. Plus qu'ailleurs ici on fabrique, on tisse, on babouche, on coud, on peint, on…
mais négocier une photo n'est pas empreint d'un mercantilisme stressant.

Un coin d'arches et le musée Dar Jellouli nous livre l'archétype d'une maison tunisienne traditionnelle. Nous sommes bien sûr rodés à ces présentations écomusées, mais c'est
en retrouvant la rue que l'on peut mieux imaginer ce qui se cache derrière les murs aveugles
qui resserrent nos pas !
Une averse imprévue nous ramène au plus direct au parking. L'air sent le sable humide,
les murs des remparts prennent des teintes contrastées.. les courses aux abris des allures homériques. A l'abri des kiosques à journaux des petits groupes lisent collectivement la presse affichée, à la une la situation en France.
Opération " gaz " deuxième. On slalome à la recherche du fameux kiosque. En fait c'est
le Sagaz d'hier. Allez on va plus loin, c'est peut-être autre chose ! Une station service nouvelle, exposé du problème, on nous renvoie sur Sagaz…un petit magasin semble t-il spécialisé gaz… lui il nous renvoie sur le dépôt Sagaz vu hier…On chauffe !
Retour à la station Sagaz… je demande le numéro de téléphone du responsable de la station… en se faisant tirer l'oreille le gérant me griffonne un nom. " Allo...Bonjour, je suis touriste Français, je… " ma correspondante est charmante, j'explique mon besoin, l'impossibilité de la station.
" Venez au dépôt, on vous dépannera ! "…Eh bien voilà !
Le dépôt nous ramène à la première case d'hier, 18km sur la route de Tunis. " bonjour, oui c'est moi qui vous ai répondu, mais je suis désolée…mon directeur me dit que c'est impossible ! " Qu'est- ce qui est impossible ? je saisis vite mais ne m 'avoue pas vaincu. " C'est interdit de remplir des bouteilles ". Mais ce sont les mêmes bouteilles que les vôtres ! Et pourquoi ?
" Les circonstances…on a des ordres qui viennent de très haut "…Je comprends que nous avons là des retombées de l'attentat de Djerba, et qu'il sera bien difficile d'arriver à un accord. " Vous pouvez acheter une bouteille complète " Ben oui mais qu'est- ce que je ferai de la bouteille au retour ?.. " Je suis désolée ! "..et ça se voit.. merci quand même gentille secrétaire, et donnez mon bonjour a Monsieur Ahmede K…
En roulant sur le nouveau grand contournement de Sfax qui pique vers le sud, j'imagine qu'il va me falloir ressortir ma bonne vieille méthode de transfert de gaz d'une bonbonne achetée vers
la mienne, enfin on a encore quelques jours pour trouver la solution.
La mer se retrouve à quelques 40kms…
au bout d'une route défoncée un hameau aux airs de Port Beauduc de Camargue.
Le parking de sable est sous les eaux de l'averse, le silence merveilleux !
Maintenant la route sent le sud, les immenses plantations d'oliviers piquent de vert une terre rouge labourée à neuf. Le ciel est noir de noir, temps en temps un coup de soleil entre la masse des nuages balaie l'immensité de longues langues de lumière. Et subitement le ciel nous tombe sur la tète. Un déluge de grêle et d'eau, en quelques minutes les bas- côtés de la route sont des étangs. Les voitures avancent dans de grands éclaboussements. Au village où nous nous arrêtons pour faire le plein c'est la panne... sèche.
Plus de courant, plus de pompe, pas de gazole…
Quelques pompes plus loin , un groupe se relaie pour pomper à la main .
Le plein sera juste ce qu'il faut pour avancer.

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  Kaoula...
La route maintenant sent le sud ! La pluie a renforcé les couleurs et les odeurs, les oliviers s'estompent, la savane se tachette de palmiers isolés. L'approche de Gabès est longue,
les villages bas sont chauffés par un soleil couchant. Les bords de routes se peuplent
de petits vendeurs, légumes, bananes, bidons de quelque chose… au loin vers la mer
les grandes cheminée de l'industrie chimique crachent dans le ciel apuré après l'orage.
Au- dessus de l'immense palmeraie que nous devinons elles sont un peu incongrues.
Objectif le port pour le BTS du soir. Traversée de la ville populeuse dans l'ambiance
si caractéristique de la fin de journée. Le port est endormi, la nuit plonge,
le BTS est là entre un amas de filets et un tas de jarres en terre, rustique et vrai !
Les barques de pêche à deux mètres dodelinent leurs drapeaux . Dodo !

Mercredi 24.
Oasis, oasis…
Le ciel est dégagé, pureté retrouvée. Dans le chenal, au pied du salon Fleurette, les barques qui partent croisent celles qui rentrent. Le monde de la pêche est au travail depuis déjà de longues heures. Allez on ouvre, fenêtre ouverte sur le défilé des pêcheurs.
Salon-tribune pour répondre aux multiples " bonjour ".
Il y a ceux qui travaillent, ceux qui regardent et ceux qui regardent ceux qui regardent…
quand le travail est rare occuper ses journées devient un art de vivre.
Parfois on se sent un peu mal à l'aise dans notre résidence de luxe .
La pêche aux crevettes n'a pas été faramineuse cette nuit, les cageots ne se remplissent
pas vite.. et il y a bien des filets à remailler. Les barques sont à touche - touche le long du quai.
Pour la première fois j'ai des " pas photo " " photo 10 dinars "..no dinar, no photo…
je vais voir plus loin. Daky qui me suit fait son effet habituel et détourne l'attention.
Je peux voler quelques images.
La ville se réveille à peine. Tracée au cordeau depuis des générations de navigateurs,
elle semble banale à priori mais son charme s'insinue dans les souks, comme pour neutraliser les ondes touristiques qui l'envahissent lorsque commence vers dix heures la noria des bus. C'est le royaume des épices plus qu'ailleurs, les odeurs y sont plus instantes, plus prégnantes.
La Grande Mosquée en construction permanente domine le quartier de son minaret de béton brut agressif au- dessus des murs chaulés aux liserés jaunes.
A quelques pas le Gabès Center se donne un air de modernisme, des galeries commerciales
qui ont bien du mal à cacher une désaffection.
Tout près le " dépôt d'alcool " pour notre petite provision. Petit jeu habituel des sacs noirs…
La palmeraie jouxte la ville, la frontière est nette, comme un rempart verdoyant. On s'y enfonce dans une route sinueuse où seul la position est un repère fixe dans le labyrinthe.
On doit traverser Petite Jara sans trop s'en rendre compte. La végétation luxuriante gomme
le délabrement des habitations. Des maisons qui furent bourgeoises ne sont plus qu'appendices de moellons mal assemblés…des djoubs pestilentiels se frayent un passage vers on ne sait où.
On se retrouve à la sortie de Gabès, sur la route du nord… " Tiens regarde… " un camion chargé de bouteilles de gaz vides…il va certainement au ravitaillement, allez on le suit ! Il se dirige vers la zone industrialochimique…ça sent la bonne piste, d'autant plus que depuis ce matin ça " sent le gaz " ! En quelques kilomètres on arrive aux portes d'un dépôt …oualouh ! Arrêt par les vigiles, je rebelotte mon petit discours… " Charger bonbonne…et patati et patata.. " Le français de mon vigile est plus que réduit, il appelle au secours un chef qui traîne, traîne mais ne prend même pas la peine de s'approcher, c'est à distance que j'explique mon besoin… " Non…bouteille pas bonnes.. " N'importe quoi, car les bouteilles hormis la marque sont identiques… Allez qu'ils aillent se faire voir !
La mer est tentante assez proche…mais par où ? Allez on essaie par là, piste à droite..
de longues files de jeunes, on sait par habitude qu'ils vont ou viennent de l'école…on suit.. village. " S'il vous plaît, elle s'appelle comment la ville ? " " Ghannouche "…ok , c'est sur
la carte, côté industrie chimique. On va jusqu'au bout ! " La mer ? On peut ? " " Yes, là-bas ! " Non mais on rêve…une immense plage de beau sable bordée de palmiers, carte postale teintée de bleu. Et dans la frange des vagues des équipes de pêcheurs qui tirent les filets.
Image perdue des rêves portugais, des îles d'au-delà du réel…
On mangera plus tard, je fonce. Impression de déranger, alors je vais à pas feutrés,
le filet est encore très loin en mer, deux équipes espacées rythment leurs efforts par des chants pour le ramener à terre. Jeunes et vieux se relaient au tirage.

" No photo American ! Yes photo Français ! " Il faut me dédouaner pour pouvoir faire clic-clac.
Le filet arrive enfin accueilli par des cris…des boules de méduses sont mises de côté pour être rejetées, quelques crevettes triées et une grosse poche de petites sardines. Les cageots s'alignent pour le tri. Plus maigre que l'on pensait la collecte du jour, des mines sont dépitées. Portés sur la place en terre battue de la plage les petits poissons y sont semés, " geste auguste du pêcheur "…Abdullah, le seul à parler un peu Français m'explique que ce ne sont pas
des sardines mais des…chiffes, enfin je crois,..que séchés ces poissons exquis sont utilisés
en cuisine artisanale dans les restaurants haut de gamme.
Pour l'instant ils scintillent sur le sol du village !

On peut manger, face au large, qui retrouve son calme. Quelques nouveaux pêcheurs regroupent les filets en d'immenses fardeaux sur leurs épaules. Nouvelle série de photos…
Suzy achète un kilo de crevettes direct-pêcheur.
" Bonjour Monsieur, bonjour Madame " " Je m'appelle Khaoula, lui c'est mon petit frère " " J'apprends le français à Ghannouche.. mon cours c'est tout à l'heure a 15heures… "
Toujours délicieux ces petits échanges, bourrés de chaleur et gentillesse. 
Le courage de Kaoula a déclenché des hardiesses, les groupes se repoussent pour pouvoir venir tester leur français, c'est quand même mieux que l'école non ? 
Tiens revoici le petit frère de Kaoula qui est partie en classe. " C'est pour toi " 
il nous tend des cartes postales.. au dos 
" C'est une petit cadeau pour vous Monsieur et Toi Mme…
C'est moi Khaoula la jeune fille de la plage "…
Tu dis un grand merci à ta sœur, et tu lui donnes ça !
On a un petit stock de pin's pour ces situations. Il repart en courant !
C'est toujours dur de s'arracher à des endroits magiques…
mais nous avons encore un programme de route.
On repense gaz, c'est le moment de trouver une bouteille à transvaser avant de trop plonger vers le grand sud…et si on tentait encore une station GPL, celles qui n'ont plus le droit…
qui ne tente rien n'a rien ! On est presque surpris de s'entendre dire " Oui si est possible ! "
Je fais répéter et dépose vite fait mes 2 bouteilles avant que ne tombe le contre-ordre.
Un raccord d'adaptation en bout du tuyau gpl-voiture et hop il suffit de 3 minutes 
pour mettre à niveau nos 2 bouteilles, 3 minutes de surprise !
et une
de plus : 12 dinars = 60 et quelques francs !
Vidanges " sauvages " dans un terrain vague, nous voici fin prêts !
Chenini, celui de la palmeraie, elle entoure Gabès dans un cordon de verdure. 
Carrés cernés de palmiers, cultivés ou en friches désolantes, verts de toutes nuances, 
verts oignons, verts poireaux ,verts salades…un maraîcher nous arrête pour nous offrir 
un petit bouquet, il était temps le pot de fleurs de Suzy était vierge depuis plusieurs jours. 
Des jeunes bras dessus , bras dessous , rentrent de l'école, ou y vont on ne sait jamais.. 
des voiles se glissent entre les rideaux de nattes…une atmosphère unique !
Notre route maintenant prend un net parti pour le grand sud. Les arbres deviennent disséminés, la terre se boursoufle, se craquelle, la route se rétrécit en montagnes russes, la circulation 
des camions est intense, les échafaudages de bidons jaunes et roses se multiplient.. 
Depuis hier on cherche à comprendre. Allez stop on va demander ! 
" C'est de l'essence, pas du gazole de l'essence, rose c'est le super… " Curieux…
et c'est pour quoi ? " Pour les autos ! "…Curieux !
il nous a expliqué cela du bout des lèvres. Demain on cherchera une meilleure explication. Encore que, région pétrolière dont témoignent les stations off-shore que l'on voit au large,
pipe-line qui court le long de la route, on peut facilement imaginer un marché parallèle.
D'ailleurs tiens, regarde la voiture là-bas et le camion qui se ravitaillent !
Nous faisons nos petits calculs du soir, compte à rebours avant le coucher de soleil…
Medenine
populeuse, encore 50km, une heure de route au moins, donc arrivée de nuit.
On sait la difficulté de se poser correctement de nuit…Allez on s'arrête dans le prochain village.
Il s'appelle Bir Lahmar comme il pourrait s'appeler Trifouillis, il est là , avec ses maisons
ras de terre, ses cafés à arcades, son horloge " le pointage ", ses groupes d'écoliers 
attendant les bus…son bts encore introuvé. Tiens regarde à gauche le terrain de jeu…bof ! 
On fait un tour général qui arrête les gamins dans leurs matchs de foot des rues, pour revenir 
au terrain de jeux à l'entrée du bourg. Trente mètres de la route au pied d'une belle bâtisse, pourquoi pas, dans une heure la circulation est terminée !
En quelques instants nous sommes envahis de gamins. 
" Comment tu t'appelles, moi c'est Loa.. " et Dieu sait qu'elle est mignonne Loa ! 
" Et ton chien ? " Lui c'est Daky ! " A la maison on a un berger allemand ".
Monsieur, madame…chacun y va de son test des mots acquis en 2 ans de français…
Notre voisin, celui de la belle bâtisse, vient aux infos et nous apporte une traduction plus française de nos dialogues avec les bambinos. " Je suis prof d'éducation physique, 
voici Mona mon épouse et Olfa sa sœur… " 
En voilà une occasion pour mieux comprendre le système scolaire qui se traduit pour nous 
par ces groupes d'élèves qui se croisent sur les routes.
" Il n'y a pas assez de classes alors on a un système de brigades… "
Trois séquences journalières pour utiliser les lieux au mieux !
Allez les enfants, vous êtes gentils mais on va manger .
" On rentre a la maison ! " lance Loa…petit bout de chou de 10 ans à peine.
Et toute la petite troupe nous quitte ! " C'est la chef ! " nous précise le prof…
Sur la route, un peu trop proche, les poids lourds remplacent les peugeot-isuzu…
Allez on va au dodo !
Dodo, toc toc, toc toc…tiens de la visite ! 0h25, tiens un lève- tôt ! J'ouvre une petite fenêtre,
des galons policiers brillent dans la lumière du hublot-radar " Bonjour Monsieur. Ti peux pas rester ici " Pourquoi je peux pas ? " Ci pas bien ici ! " Mais si c'est bien ! " Ti dois aller ailleurs.. Tu devais me demander avant . On m'a téléphoné pour me dire que ta voiture était ici ! "
J'ai une subite lumière " Monsieur le policier, j'ai demandé au Monsieur de la maison à côté,
le professeur… " " Ah, le professeur ! Ti restes. Bonne nuit Monsieur ! ".
Bonne nuit Monsieur le Policier ! 

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  Portes du désert...
Jeudi 25.
Aux portes du désert.
Le muezzin a bien essayé de couvrir le bruit des camions sur le coup des 5 heures du matin, sans trop y parvenir.
Bon tant pis, c'est ça aussi la liberté !
Un gros camion militaire fait une pause au bord de notre BTS sans T. Pause casse-croûte, je vais faire une petite causette, le chef a peur de Daky et il me faut le rassurer. Ce sont des sahariens, bon teint, ils ramènent vers le haut une voiture à réparer. " Bienvenue en Tunisie ! Où tu vas ?
Tu viens à Remada ? " Et non nous n'irons peut -être pas jusqu' à Remada. Dommage !
Surprenante l'arrivée à Tataouine, à quelques kilomètres du centre les nouveaux bâtiments
des organisations administratives sont une ville, moderne, dans la ville.
Pour le reste on retrouve la ville de sud de nos mémoires.
C'est jour de marché, jour de rencontres. Ils viennent de toutes les oasis les paysans,

pour vendre et acheter, et l'on trouve de tout ,des épices locales aux babioles asiatiques.

Les artisans d'un autre temps occupent des coins d'arcades, la paysanne cocole un coq
à vendre dans un panier d'osier, le vendeur de laine accroche ses ballots en façade,
une longue file se met en place devant le contrôleur des poids et bascules…
Les couleurs fortifient les odeurs, le sud est là sous les chapeaux, sous les djellabas colorées, on se retrouve et l'on s'embrasse, on se jure amitié pour toujours ! Beaucoup d'hommes,
peu de femmes, le marché c'est une affaire d'hommes ! Il est encore tôt et nous avons tout loisir de flâner, de re-flâner, de venir, de revenir entre les échoppes et étals à même le sol,
les paquets de touristes ne sont pas encore là mais la nasse artisano-commerciale est prête
à l'entrée organisée de la place.
Les voici, comme réglés par un programmateur à cent sous, roses blancs ou déjà brûlés,
shorts à plis bien faits, tee-shirts tours-opérators, chapeaux saharanophones…ils viennent
de Djerba ou d'un peu plus loin déversés dans l'aventure du sud en paquets de 4x4 rutilants,
en minibus maquillés grands espaces !
Bon oui, c'est facile de ridiculiser, facile, facile…après tout ça fait vivre cette région loin de tout ! mais jusqu'à quand cet engouement évitera t-il de devenir pollution des esprits ?
On fuit les vagues de visages pâles prises en charge par les vendeurs patentés…pour retrouver la ville, ses petits magasins frais: tailleurs, bouchers, épiciers, cordonniers, pâtissiers…
tiens justement et si on s'offrait une spécialité pour la pause café ? la pâtisserie est envahie
de jeunes, le lycée est à deux pas.. " bonjour Monsieur ! "..elles sont déjà en trop plein
de calories et très conscientes… " je vais encore grossir, elle, Fathia elle craint rien..! "
Aïda voudrait bien faire un régime mais les cornes de gazelle, la spécialité locale,
c'est trop tentant ! Raja est emmitouflée dans un foulard "
Elle a la grippe, l'autre jour avec l'orage elle a pris froid " et ça lui va très bien le foulard à Raja.
Fathia enveloppe son " amour pour la France " dans un sourire magnifique,
comment tu veux qu'on te résiste Fathia ! …
Maintenant on va repérer le parking de l'Hôtel Gazelle que nous a recommandé Clement,
ça peut servir si notre circuit de la journée ne nous propose pas de meilleur BTS.
La route des ksours s'ouvre dans une explosion de beauté. Répèterons nous assez que
la beauté du désert vient de sa simplicité, de ce dépouillement de la nature qui met en valeur l'essentiel : une maison, un hameau, un village posé en cube au creux d'une vallée,
au pied d'un piton, un palmier piqué dans quelques mètres d'herbe verte…
Là-haut sur son piton Ksar-ouled-Soltane défie le ciel, flirte avec les nuages. Un minaret, quelques greniers à grains ancestraux, des hameaux collés dans les pics environnants,
des groupes d'enfants qui convergent vers l'école croisant ceux qui en reviennent.
C'est notre premier ksar, et déjà un coup de cœur. Bien sûr les greniers sont restaurés à neuf, mais quel coup de génie que cette nouvelle vie. Milet nous accueille, Milet c'est le frère
de Slimane " cité au routard "…il a perdu un bras quand il était jeune, fracture, mauvais plâtre
et gangrène…et comme pour conjurer le sort il s'est passionné pour son village,
et aussi pour la France qu'il connaît d'un bout à l'autre.. " par la télévision !"
Son village c'est d'abord les ghorfas : ces greniers collectifs où les tribus berbères

entreposaient les bonnes années les récoltes des champs du désert pour les consommer lorsque la sècheresse ne permettait pas de culture. Le coin des ghorfas c'est le poumon
du village, elles sont regroupées comme les alvéoles d'une ruche selon une architecture modulaire très étudiée. Ici les habitants n'ont pas voulu les laisser transformer en hôtel de luxe pour touristes fortunés. Et la restauration est une prouesse…ici aussi les masses venues
de Djerba ne sont acceptées que certains jours…on préfère les visiteurs isolés comme
les voyageurs d'antan. Il les aime ses ghorfas Miled, et il nous explique, sur le plan
qu'il a dessiné, le processus collectif de sa tribu berbère depuis des générations.
Sa tribu, son ethnie, c'est une immensité de désert avec ses zones de culture, ses zones
de pâturage, ses axes de transhumance, les puits d'eau , les pistes où pendant des jours cheminaient les caravanes pour venir stocker les produits de la terre dans les greniers..
ll les aime ses ghorfas Miled, il les peint en aquarelle, il n'a pas appris mais l'amour ça permet bien des choses. L'amour de la France ça le mine aussi depuis les résultats de l'élection
de dimanche. Il ne comprend pas, ou plutôt il comprend très bien la difficulté des français
de se déterminer…et au coin d'une ghorfa l'analyse politique de Miled gomme l'éditorial
de France Inter de ce matin !
C'est ça aussi le désert, ça vous donne une sacrée lucidité !
Pause- midi sur la plateforme d'un hameau, au carrefour des chemins où se disloquent les files d'écoliers partant en petits groupes vers leurs hameaux respectifs…une fois de plus en voyant ces enfants marcher des kilomètres pour aller à leurs 2 heures de cours on pense à nos " grands problèmes " de stationnement de la voiture de maman devant la porte de l'école
pour déposer son cher ange !
" Bonjour Monsieur, bonjour Madame " et nous voici une fois encore au centre de l'événement du jour…des touristes se sont aventurés en dehors de la " route touristique "..
ils sont 5, 10, 20…des dizaines de sourires apeurés par le moindre geste de notre part. 
C'est notre professeur d'hier soir qui nous le disait 
" Vous savez les enfants ils ne voient pas grand chose ici, alors lorsqu'il y a du nouveau ! 
Et puis pour eux c'est l'occasion rare de s'essayer en français ! "
garçons devant, filles derrières dans une distance ancestrale, le salon Fleurette est le centre
du monde. " Monsieur ti fais photo ? " Alors c'est l'éclatement ; la bande à Zidane en position
de mêlée, oui je sais on confond mais allez leur expliquer ! et les timides qui se sauvent
à toutes jambes…  le résumé est d'un adulte qui observe, l'instit' peut -être ! 
" C'est pas grave, c'est des enfants "
Circuit des ksour, sur le papier nous avons encore deux ksour à voir.
Un ksar, des ksour : ces étapes fortifiées placées sur les chemins des caravanes qui de tous temps ont sillonné le Sahara. Le modèle est immuable : les bâtiments souvent de pierres et
de torchis encadrent une cour carrée servant au regroupement des céréales et leur vannage.
Au rez-de-chaussée les habitations, et au-dessus des greniers à grains aux toits arrondis, regroupés comme les alvéoles d'une ruche.
Les collines dénudées se succèdent dans une harmonie difficile à traduire en mots. 
Paysage vide et peuplé a la fois, chaque coude de route s'ouvre sur un hameau une maisonnette perdue dans cette immensité. Un âne qui broute, une mère dromadaire qui allaite son petit, deux gamins qui se précipitent " donne moi un stylo ! "…détails, essentiel de la vie !
Le ksar d'Ezzarath somnole, c'est encore l'heure de la sieste, des groupes assis à même 
le sol se content les mêmes histoires depuis des siècles, les magasins sortent tous du pinceau du même artiste, les dessins les symboles dépassent les mots, tags avant l'heure ! 
Les ghorfas sont encore en piteux état, ils n'ont pas encore trouvé le mécène ou le budget salvateur. Et que peuvent-ils faire devant tant de travail pour reconstituer l'œuvre de leurs ancêtres ? " C'est mon arrière grand-père qui a fait ça ! "..et toi qu'est-ce que tu fais ? 
" Oh moi j'attends, mes enfants s'en occuperont ! " Ben voyons ! Après tout c'est agréable 
de siroter un thé à la menthe bouilli lentement sur le petit brasero . Un thé ça se refuse pas, 
mais un thé à chaque groupe…je cale ! Daky est ici encore à la parade. 
" C'est combien ton chien ? " Au moins trois gazelles et des belles ! 
( ici une gazelle c'est une femme ) Allez tu gardes tes gazelles moi je garde Daky !
Le tour du village est un délice, un mot par çi, une photo par là,
une vision directe sur l'écran du numérique , de la magie.
" Monsieur Madame, vous êtes le meilleur couple ! " Ah bon ça veut dire quoi ?
" Vous êtes gentils, les autres touristes ils nous regardent comme des bêtes ! "..
ça vous fait du bien !
Un peu plus loin le ksar Jellidat s'ennuie, se morfond, se décompose, oublié dans sa beauté. Dans un coin du carré de ghorfas un vieux couple se décompose lui aussi, une chevrette craintive, trois poules décharnées, un pauvre chien attaché a une corde d'un mètre..
image forte, tragiquement forte d'une misère à laquelle nous n'apportons rien.
Retour sur Tataouine et sa chaleur moite. On a une heure devant nous, on se cherche un BTS… et si on allait voir le nouveau musée des dinosaures ? Musée=parking, nouveau=propre,
en principe…Le calcul est bon, en fait le parking c'est le " camping de l'hôtel Mabrouk " 
ou plutôt le camping de …c'est le parking de…On négocie, allez ça fera 15 dinars…on se l'offre !
Pour avoir le vent du large alors qu'en ville on va étouffer ! Repérage fait, re-ville pour opération cartes-postales-amis , opérations resto' à bord…
Le vent se calme, le parking-camping est un peu pentu,
tant pis, méthode Philou on met les cales !
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  de ksar en ksour...
Vendredi 26.
De ksar en ksour…
Pars quand tu veux mais pars tôt ! On est rodé depuis des lustres, l'air du matin, la lumière
du matin, la sérénité du matin…moments incomparables. D'ailleurs on ne devrait voyager
que le matin et le soir, beaucoup l'ont compris, entre les deux…on fait la sieste !
Les palmiers on les compte maintenant , ils nous servent de premier plan, premier plan d'un panoramique de pyramides à en faire frémir Guizeh, on a beau savoir la " lente érosion "
qui érode les montagnes protégées en leur sommet par des pierres dures ;
ça nous donne des cheminées de fées chez nous, 
ça nous construit la Cappadoce en Turquie.
C'est toujours miraculeux. Miracle de la nature !
Dans le petit matin Ksar Ouled Debbab, le Ksar abandonné nous prend à la gorge.
Les ghorfas alignées en face à face au sommet de la colline en une longue file qui épouse
le relief raconte leur histoire dans un surprenant dialogue.
La désolation ici est une définition. Le silence est angoissant, on entend le murmure des générations qui pierre par pierre ont construit ce temple. On sent même dans les restes ridicules d'un " grand hôtel restaurant " une inimaginable folie coloniale ! 
Les gamins montés en courant du village en nous voyant tentent de nous montrer 
les fausses-vraies peintures rupestres..
Où est le faux ? où est le rustique, le vrai ?
Douiret ou Douira ou Eldouiret…le nom a suivi les évolutions les invasions…le bourg est avachi au coin d'un carrefour, le vrai Douiret c'est l'ancien, collé à la falaise, peu de choses mais 
de ces choses qui font bouillir l'imagination. Un ksar en ruine, une mosquée remise en état 
à la va-vite pour attirer les vagues touristiques, mais un air d'authenticité et un panorama époustouflant qui fait comprendre le pays. Les 4x4 de Nouvelles Frontières ont déjà commencé leur course au " maxi de ksours " dans la journée. 
Les moteurs tournent déjà pour la prochaine halte " aventure "…
en bas vers le village une file de motards passe dédaignant le ksour.
" Rallye " nous précise un guide !
La route oblique maintenant vers Chenini, haut lieu du tourisme de masse on le sait on fera avec. Montagnes russes entre les creux de vallons qui dégringolent des montagnes rudes.
En hiver chaque creux doit être un gué redoutable.
Dans le creux d'un de ces vallons, à portée de vue de Chenini qui se profile au-dessus 
des palmiers, une image biblique, plaque de vert collée dans la terre battue, palmiers penchés
en prière sur des touffes d'avoine.. " Oui c'est de l'avoine ! " 
C'est Mohamed, on ne l'avait pas vu tout de suite, il était caché par une grosse touffe …
 
" Vous êtes d'où ?...moi j'ai travaillé à Lyon chez Berliet ! " Et que fais-tu ici Mohamed ? 
" J'arrose les figuiers ! " En fait trois plants de figuiers qui donneront dans 5 ans si tout va bien. L'eau il l'amène de Chenini dans des bidons. Elle est dure la terre ici. Dure et belle , 
le cheval arabe de Mohamed s'offre à quelques pas un bol d'avoine !
Chenini c'est un choc, un peu comme l'arrivée à Gorem en Cappadoce, l'arrivée hier pas aujourd'hui… on ne peut s'empêcher ici de faire cette comparaison, avec ses côtés pile et face . Pile le paysage, le site, la force de la nature, le labeur des habitants qui ont peuplé ces lieux depuis des millénaires, ceux qui ont construit ces habitations ouvertes maintenant aux humeurs du ciel, ces maisons taraudées dans la roche du cirque de montagne…Face notre médiocrité d'envahisseurs, notre bonne conscience de " touristes " , notre encouragement aux rares habitants de tendre la main plutôt que de prendre la truelle. Oui je sais c'est facile.. je sais.
L'état cherche à ancrer ici les derniers mohicans, mais il parviendra t-il ?

En philosophant on grimpe vers la mosquée-signal qui marque le creux de la montagne…
Des groupes de 4x4 djerbiens ont déjà lâché leurs groupes de vacances à la semaine…
Un bus lâche ses proies venues de Gabès, le guide les met au pas de course sur le sentier
qui monte vers la mosquée, pas d'arrêt, pas de détour vers le point panoramique,
on redescend… vite vite…on a encore 4 ksour et le restaurant !
Ali a obtenu la " concession " de buvette là-haut, il a 18 ans Ali…la dernière fois où nous sommes venus à Chenini il n'était pas né.. " Monsieur, c'était comment avant ici ? "
A vrai dire on a bien du mal à lui donner une image, pas plus propre c'est sûr, plus tranquille c'est sûr, moins de touristes c'est archi-sûr…Est-ce un progrès ?
" Non, no ! " les femmes à la fontaine n'aiment pas les photos, tant pis c'est déjà fait…
les poules elles, elles s'affairent dans les détritus !
Pour arriver à la Mosquée des 7 dormants il faut le mériter ! La piste s'accroche aux rochers, désarticule le Fleurette, mais ça passe et le décor récompense des quelques kilomètres.
Le site est sublime, le minaret tordu, comme désarticulé, penche sur le vieux cimetière
et les tombes des 7 dormants, ça c'est la légende, et on veut bien le croire !
Derrière le rocher le gardien égorge un chevreau, il faut vivre ! Un groupe de jeunes monte
du village à pied avec les provisions d'un pique-nique, il faut vivre !
Pour atteindre Guermessa on peut choisir la piste 12km ou un détour asphalté 26km…
on prend la piste, on en a vu d'autres ! Tu parles.. le premier kilomètre donne l'ambiance, 
ça craque de partout…tôle ondulée, ça aussi on connaît, et ça dit bien ce que ça veut dire, 
je sais qu'il faut atteindre une certaine vitesse, entre 60 et 90, pour passer sur le haut des ondulations…ou y laisser ses amortisseurs. Ici c'est impossible, trop sinueux…
Allez on se casse avant de casser . Le détour en fin de compte est un bon choix. 
Et puis surtout en arrivant face à la chaîne de montagne " El Dahar " qui casse l'horizon on comprend l'histoire qui a généré ces hauts-lieux perchés pour surveiller et contrer les envahisseurs. Le nouveau Guermessa sommeille au pied du vieux piton troué de maisons troglodytes. Notre arrivée au village est digne d'une arrivée
du rallye de Tunisie, c'était d'ailleurs la semaine dernière, c'est l'heure de l'école, 
la foule des élèves s'agglutine autour du Fleurette, les plus âgés, ou moins jeunes 
se proposent, s'imposent pour nous guider au village berbère…
On décline et…ça ne leur plait pas.
Village hospitalier écrit le Routard…comme quoi !
La piste qui monte au vieux village berbère est un enfer , 5 kms au départ.. et ça continue,
ça continue…le Fleurette se tord s'accroche, se désarticule, deuxième, première…
rocher à droite caillou à gauche…dur,dur sous le soleil de midi. Et ça c'était pas prévu ! 
Là-haut le ksar est somme toute banal. On se pose, toutes vitres ouvertes l'air remet le moral. 
On est seul, longtemps…on domine la vallée, là-bas au départ de la piste les brillances 
de deux 4x4, on va bientôt les voir arriver…un bientôt d'un quart d'heure pour quelques kilomètres. Cargaison débarquée, des français, un typé " vieux colon ", saharienne repassée 
de frais, prend le commandement de la petite troupe, on n'est pas loin du rang par 2…
Les chauffeurs tunisiens restent aux voitures près de nous sur la plateforme. 
On en apprend un peu plus sur l'équipée
" c'est un groupe privé, des anciens de Tunisie, avec leur chef,il fait des voyages comme ça. " Ah nostalgie quand tu nous tiens !
Le vieux village est à cheval sur une crête, la petite mosquée battue par les vents s'accroche
sur la brèche. Panorama exceptionnel teinté d'admiration pour tous ceux qui ont vécu ici.
L 'abandon du village est assez récent, quelques trente ans après les pluies 
et les inondations qui ont raviné la montagne. 
Le groupe d'anciens d'ici, se joue des frayeurs en escaladant les rochers sous les regards ricaneurs des adolescents qui en voient tous les jours de bien ridicules scènes !
La piste retour est à la mesure de l'aller, même si elle est plus courte, quoi…
vous n'avez jamais remarqué que le retour du bout du monde est toujours plus court que l'aller !
Ca doit être ça que l'on appelle l'inconscient !
Aucune de nos cartes ne le mentionne, le routard en parle du bout des lèvres, 
le Ksar El Ferch nous apparaît comme un flash sur la route de Ghomrassem. Pas de site montagnard imposant mais une envergure de caravansérail immense. Ahmed en est le pivot d'accueil , " Je suis un vieux ! " Ah bon Ahmed et tu as quel âge ? 
" Moi j'ai 46 ans, quand j'étais jeune j'ai travaillé à Lyon chez Berliet… " 
C'est pas grave Ahmed, t'es jeune, j'ai vingt ans de plus que toi !. 
Passionné Ahmed pour le ksar. " On va tout remettre en état, on a beaucoup d'idées.. " 
ben oui mais les idées ça suffit pas, il y a tellement à faire ici. 
Comment nos parents, les tiens Ahmed, les miens chez nous, 
ont-ils pu laisser se décomposer de telles merveilles d'architecture ?
Au pied des ghorfas désolées quelques chameaux ruminent inlassablement leurs petites histoires de touristes transportés. 2 dinars la promenade, ½ dinar la photo.. 
" C'est vous qui avez le camping-car ? " 
La question vient d'un couple de français, nous ne sommes que 4 touristes dans le ksar… 
" nous avons un fourgon aménagé en France, mais nous sommes venus ici pour une semaine en avion à Djerba, nous avons loué une voiture… " 
" Cet été on ferait bien le Maroc avec le C25, qu'est-ce que vous en pensez ? " 
Que voulez vous que l'on en pense !
Nos Maroc en Estafette, en C35, sont imprimés quelque part de façon indélébile !
Ahmed nous propose de venir dormir ce soir dans le ksar, il nous ouvrira la porte.
On verra Ahmed , tu sais on ne sait pas trop où l'on sera tout à l'heure !
Ghourmassem nous apparaît comme un grande ville, il y a même une , que dis-je 
deux stations services. Mais de BTS point, encore que le grand terrain de foot en plein centre 
ce doit être une belle expérience. On visitera demain, on va encore aller voir du coté de 
Ksar Hadada
, un ksar célèbre doit bien avoir un parking acceptable. 
Bon, c'est que le village est compressé autour du ksar, de parking nenni ! 
On repère le terre-plein de la poste, mais au pied de la mosquée pour le réveil-muezzin 
n'est pas notre attraction. " Allez je vais demander avis à l'épicerie ".. charmante l'épicière, 
elle comprend très vite… " Oui, je vois, venez chez moi, à 1km sur la route d'en bas, c'est plat ! " Merci M'Dame…à tout à l'heure. Un kilomètre c'est variable en fonction de… on se retrouve 
sur une superbe petite plateforme le salon sur le panorama du ksar de la guerre des étoiles… mais ce n'est pas chez l'épicière. " Ici c'est chez moi… " nous précise une vieille femme… " Mais ti peux rester ici pour… " et elle nous fait le geste dormir !
Les enfants du quartier sont à la fête, et Daky fait son numéro de charme.
" Bonjour Monsieur, bonjour Madame,mon père travaille à Narbonne plage, moi j'y vais en été.. " ça y est le dialogue est engagé ! Un moment plus tard une gamine nous amène un morceau
de pain tunisien, vous savez ce pain plat au vrai bon goût !
Le soleil se cache dans une atmosphère violette derrière le contour dur des montagnes.
La mosquée s'ourle d'un liseré de néon, l'éclairage public est le seul pointillé de lumière
dans la nuit noire, toutes les maisons sont éteintes, ça coûte cher l'électricité !
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à suivre sur le volume 3 >>

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